J'étais un enfant.
J'ai ensuite découvert le monde. Mon monde, pour être bien plus précis. Je ne puis écrire sur le monde alors que je viens seulement de comprendre le mien. Et il est déjà si complexe. Je ne sais pas à partir de quel moment tout à commencé à se compliquer. L'accumulation sans doute. Mais aujourd'hui, je ne veux plus vivre. Aujourd'hui je veux mourir. C'est un choix et c'est le mien. Se donner la mort vous savez, c'est lâche, je ne le dénie pas, je ne l'ai jamais dénier. On éteint notre peine qui nous scarifie, ne la supportant plus. On éteint notre vie car elle est devenue invivable. On choisit notre mort puisque notre existence ne mène plus à rien.
Et pourtant, jamais vous ne pourrez me dire que je suis faible. J'ai été fort. Durant toute ma vie, j'ai survis. Durant toute ma vie, je me suis battu. Et au moment de mourir je vais encore une fois mener à bout mon action. Je suis faible, non, je suis lâche à mon plus grand regret je vous accorde ce point.
J'étais un enfant et je me suis fait violer. J'avais alors sept ans, je ne connaissais encore rien à ce qu'il se tramait autour de moi, totalement entouré de ma propre bulle que je m'étais construite au fil du temps. J'ai entendu énormément de personnes dire que les hommes ne pouvaient se faire violer. Il me semble être la seule preuve si je puis dire vivante alors. Je sais bien que non, je ne suis pas le seul, j'ai bien compris qu'au final nous n'étiez pas si uniques mais personne ne le croit. Les femmes se font violer. Les hommes aussi, n'oubliez pas. Le viol n'a pas de sexe. Mais, pour remettre l'action dans le contexte, j'étais ni un homme, ni une femme. J'avais sept ans et j'étais encore un sacré petit enfant.
Je m'en souviens comme si c'était hier. Et pourtant de nombreuses années sont passées. Aujourd'hui, je suis particulièrement dégoûté d'avoir découvert mon oncle sous cet angle là. Mais à mon âge, croyez-vous que je comprenais exactement ce qu'il faisait ? C'était « notre jeu à tout les deux » comme il l'appelait. C'était à nous deux et je ne devais donc pas en parler et puis ça ne m'avait pas dérangé. Je suis particulièrement dégoûté aujourd'hui. Mais à sept ans, je n'avais tout simplement pas compris. Quand j'ai appris ce qu'était ce jeu, j'ai vomis. Et j'ai aujourd'hui peur de toutes personnes qui s'approchent un peu trop près de moi. C'était mon oncle, c'était ma famille. J'ai peur de tout le monde.
J'entends toujours n'importe qui dire que nous sommes « monsieur tout le monde » et « monsieur tout le monde » ne subit pas ce genre de chose. Ce que personne ne comprends apparemment c'est qu'on est tous « monsieur tout le monde » et ça peut arriver à n'importe qui. Je peux me faire violer, comme tu peux mourir demain, comme il peut être un tueur en série et cela continue sans fin. J'ai appris à l'âge de onze ans que tout pouvait m'arriver. Vous savez, on ne s'en rétabli tout simplement jamais. Une cicatrice n'est pas faite pour être oubliée. Elle est présente chaque jour pour vous rappeler ce qu'il s'est passé. J'en avais une, bien ancrée dans ma tête, qui comme toute cicatrice, ne voulait partir, ne pouvait partir devrais-je dire. Ce fut la première.
J'ai ensuite eu à faire face à la violence de mon père. Le malheur, c'est quotidien dans ma famille, j'ai compris ça aussi. Moi, non je ne me faisais pas frapper et encore, j'ai bien fait de partir dès mes dix-huit ans. Non, j'étais encore sain et sauf dans ma propre maison. Pour ma maman, c'était autre chose. Ma maman, c'était mon étoile, elle brillait dans le ciel, sans jamais s'arrêter. Elle était belle, grande et majestueuse. Elle m'aidait partout, pour tout. Et un jour il a fallu qu'elle s'éteigne. Comme toute étoile. Elle était déjà éteinte, dans sa propre conscience. Elle n'était plus une personne, mais seulement un corps, dénué d'âme. Puis elle est définitivement partie de l'autre côté du miroir. J'avais alors dix-sept ans.
« Tu n'auras jamais le cancer ! » dis-t-on. « Monsieur tout le monde » à le cancer et « monsieur tout le monde » c'est toi et moi, « monsieur tout le monde » c'était ma mère. Mais là n'est pas le point. C'était presque une bénédiction finalement. Son corps était devenu bleu par les coups. Et je n'avais jamais compris pourquoi elle ne réagissait pas. Je n'avais jamais compris pourquoi elle n'était pas pas partie. Jusqu'à aujourd'hui. Elle était vide comme je le suis, elle ne sentait plus la douleur. Celle-ci l'avait oppressée, l'avait tuée à petit feu et elle était déjà morte. Pendant trois ans j'ai eu à faire face à la violence de mon père. J'étais encore petit. Et voir votre héro être aussi un criminel, vous n'avez finalement plus de père. C'est un escroc, un menteur qui a prit sa place. Il n'y avait pas l'excuse de l'alcool, si seulement. Non. Tu n'as pas encore fait le dîner ? Un soupir. La maison n'est pas encore rangée ? Une claque. Elle était double, celle-là. Une pour elle, une pour moi qui découvrait petit à petit avec quel monstre je vivais. La violence des hommes envers les femmes et inversement, cela fait parti de ce que j'ai eu du mal à comprendre. Je cherche l'explication, mais elle n'existe pas, elle n'existera jamais. Vous ne trouverez pas d'excuse valable pour justifier votre acte, il est tout simplement interdit.
Je vivais donc à mes dix sept ans dans une famille où mon oncle m'avait violé, ma mère s'était envolée et mon père était violent. Je gardais la tête haute, j'ai toujours gardé la tête haute. Du moins, le plus haut possible. Quand on est sous l'eau, il est bien difficile de remonter, ça je peux vous le dire, je le vis, je les sens chaque minute, ces tréfonds qui m'emportent.
Je comprenais particulièrement bien la situation, vous savez, à sept ans, je trouvais peut-être que mon viol était un jeu et à dix-sept ans j'avais finalement compris que vivre était un jeu. On fait des choix, on avance chaque jour un peu plus. Sauf que dans celui là, il n'y a que des perdants. On m'a raconté, la mort n'est pas une finalité en soit. Si tu crois en l'au delà, je te souhaite bonne chance dans ce nouvel univers. Mais je me donne la mort pour être dans le noir complet, pas pour découvrir de nouveaux horizons. Je veux que ce soit une finalité, je ne veux plus rien sentir, toucher ou voir. Je veux être mort.
Je pensais avoir déjà bien vécu, quand j’eus finalement pris mon appartement et que j'avais quitté cette famille qui me faisait plus peur qu'autre chose. Je pensais qu'il était temps que je découvre l'autre partie du monde. Que je découvre l'amour, l'amitié, le bonheur, la délivrance et la liberté. Et bien j'ai été quelque peu déçu. Ne vous faîtes pas d'espoir. Quand vous êtes en dépression, vous n'y ressortez pas en un claquement de doigts. C'est un monstre, c'est le Diable en personne qui vous tire vers le noir et le malheur. Je ne riais pas, je ne savais plus comment faire. Je ne souriais même pas, ce simple geste était une torture. Je restais dès que je le pouvais confiné dans mon petit appartement, assis devant un livre à lire jusqu'à l'épuisement, espérant. Les livres, dit-on, sont une porte ouverte à la découverte. Je suis totalement d'accord. Les livres vous emmènent dans leurs secrets les profonds, ils vous prennent et vous font voler. Vous êtes libre. Si il existait une vie après la mort, si je devais vraiment vivre après ma mort, j'aimerais respirer dans les livres. C'était bien le seul moment où je pouvais me sentir à ma place.
La dépression, elle se ressent au quotidien. Vos proches ont beau vous parler de bonheur, ce mot vous est inconnu, sa définition vous semble aujourd'hui si belle, bien trop belle pour être réaliste. J'ai des bleus, j'ai des cicatrices. La vie vous assomme, elle vous donne des coups de poignard dans votre corps. Néanmoins, elle prend un malin plaisir à vous laisser vivant. Vous cherchez chaque jour à rester grand, mais elle vous fait tomber à genou. Vous ne savez plus comment l'atteindre ce bonheur, il est si lointain.
Je me suis lancé dans une activité sportive, pour essayer -en plus de la lecture- de me distraire le plus possible. Je ne faisais que travailler de nuit dans un hôtel miteux, mais ça me permettait d'avoir toute ma journée. C'était ce qui m'importait le plus, je ne parlerais donc pas du patron qui critiquait chaque jour le travaille de chaque employé et je ne parlerais pas des nombreux hommes qui m'accostaient chaque nuits, parce qu'ils pensaient que j'étais seulement une putain qui attendait son tour elle aussi. Non, puisque avoir une journée libre, c'était une compensation à tout cela. Ainsi la journée, je pouvais profiter de mon après-midi pour aller à la salle de sport. Je dois préciser que je n'ai jamais eu de problèmes financier. Mon métier me payait bien et j'avais toujours de bien beaux billets encore non utilisés en banque que mes parents m'avaient offert.
Vouloir se muscler pour oublier les petits soucis du quotidien -petits étant bien entendu un euphémisme, je vous le dis en ce jour de ma mort, mais je n’appréciais point leur donner de la valeur- n'était finalement pas une si bonne idée. Je devais vraiment avoir l'allure d'une putain pour que même dans les vestiaires on essaye de m'approcher de trop près. J'ai bien entendu refusé et j'ai rapidement compris que c'était soit se faire enjamber deux fois par semaine, soit rentrer chez moi avec un œil au beurre noir parce que j'étais bien en trop dans cette salle. J'ai toujours été fort, je le répète. J'ai toujours essayer de me défendre dans ces vestiaires, à chaque fois. Mais quand vous vous confrontez à des hommes bien plus puissants que vous, vous finissez par sortir complètement démoli. Dans tous les sens du terme.
Cette expérience a durée deux mois, environ. C'est quand je suis arrivé à l’hôpital avec un bras cassé que j'ai décidé de résilier mon abonnement. C'est quand j'étais beaucoup trop anéanti, que j'ai, une fois n'est pas coutume été lâche. On ne peut pas faire face à l'adversité toute notre vie, pas toujours. Que ce soit seulement des gens dans une salle de musculation ou face à la vie, il y a bien des moments où pour notre propre santé, il faut savoir se stopper et mon corps avait sonné l'alerte rouge. Elle n'était même plus rouge, violette si on l'ont jette un œil à certains de mes bleus que je pouvais avoir sur les cuisses. J'ai pensé pendant deux mois que je pourrais leur faire face que je pouvais m'en sortir. Ce fût et ce sera la plus grosse déception de ma vie à jamais. Mais que voulez-vous ? Je ne pouvais tout simplement plus me combattre.
Je suis sorti de l’hôpital depuis trois semaines, toujours enfoncé dans une grande dépression, une mélancolie que je pense ne finira jamais. Mes livres n'arrivent plus à m'emmener dans d'autres univers et je n'ai plus créé de contact avec ma famille depuis tellement de temps que je ne saurait redonner la date. J'ai perdu mon travail, apparemment je devrais quand même venir avec mon bras cassé. Je ne fais strictement plus rien pour résumer.
Je voudrais préciser que je puis encore penser à certaines choses que je ne vivrais définitivement jamais, mais c'est mon choix. Je ne rencontrerais jamais une femme, que je pourrais aimer et chérir. Cette femme qui me fera oublier ma peur des autres, qui me permettra d'avancer pas à pas chaque jour. J'ai toujours espéré la rencontrer mais c'est trop tard. Peut-être que c'est aussi bien, je ne sais pas. Ma vision de l'amour a toujours été particulièrement incroyable, belle et immortelle. C'est peut-être aussi bien que je reste sur mon nuage non ? Même avec l'exemple de mes parents j'arrive à voir certains côtés du monde de façon idyllique. Ces bien jolies pensées vont périr avec moi dans la tombe, mais c'est ce qui sera beau dans ma mort.
J'aurais aimer savoir ce que voulait vraiment dire le mot avoir un enfant. C'est un être que vous éduquez, que vous aimez, que vous prenez sous votre aile, jusqu'à l'âge où il peut lui même utiliser ses propres ailes pour avancer. J'aurais aimer découvrir ce petit être qui aurait été le fruit d'un amour intime et passionnel. J'aurais aimer le voir grandir, marcher, courir, sauter. Pleurer, bafouiller, parler. Pour être clair, j'aurais aimé avoir créé ma propre famille. Pour ne pas recréer ce que m'avait fait la mienne, pour pouvoir oublier ce que j'ai vécu au travers de ce nouveau cocon familial.
Mais je ne pourrais pas. Je vais mourir, je vais me tuer. Et bien que ces choses pourraient donner beaucoup d'espoir à n'importe qui, elles me font pleurer. Je suis trop malheureux pour sortir de mon appartement. Je suis suis trop engouffré dans ma maladie pour pouvoir encore me sauver. J'ai beaucoup trop envie d'en finir avec ma peine pour continuer à vivre. Pour continuer à espérer. J'ai espéré tout ma vie et j'ai toujours été déçu. Je n'espère plus maintenant, je suis en plein désespoir, duquel je ne m'en sortirais jamais puis que je ne suis même plus sûr de le vouloir. Et ce depuis tellement longtemps. J'agis en conséquence.
J'étais un enfant et mes expériences m'ont fait devenir adulte. Je suis un adulte et j'ai compris mon monde. J'ai compris que rien n'était beau, que rien ne pourrait s'arranger et que rien ne changera jamais. Je ne suis pas idiot, je suis seulement un rêveur, qui n'en peut plus de rêver. J'ai accumulé toute ma vie les peines endurées et c'est aujourd'hui que je ne peux en supporter plus. Tout a toujours été compliqué dès ma naissance. Je me suis réveillé avec cette envie d'en finir, je ne me coucherais pas ce soir. Je suis fort et je vais me suicider. Je suis lâche et j'abandonne la vie. Mais je vous prie de garder en conscience que c'est mon choix et qu'il est réfléchit. Je ne crois plus en rien. Il faut de l'espoir pour continuer à vivre. Je n'en ai plus et je meurs ainsi.