Le coucher du soleil semblait avoir gratifié les citoyens d'un regain de vigueur car la place était plus animée que jamais. Les couleurs des vêtements rayonnait sous les lumières et de nombreux vendeurs tentaient d'alpaguer les badauds, depuis leur stand de nourriture. Il était près de 20h et je me décidais enfin à descendre.
C'est à un de ces stands que j'ai fait la rencontre de mes premiers amis, ici, à San Myshuno. Avani et Jérôme. C'est amusant car j'aurais plutôt pensé que cette fille portait un prénom plus classique, comme "Anne" ou peut-être "Florence". Mais elle s'appelle Avani, et elle est vraiment très cool. Jérôme, il est un peu m'as-tu-vu et a une fâcheuse tendance à ne parler que de lui.
"Et c'est là que j'ai été voir un vendeur parce que non mais, c'était une blague. Ne pas solder ce modèle pour la simple raison qu'i est d'une couleur plus recherchée que le vert bouteille...pfff. Ah, croyez-moi qu'ils m'ont entendu, là-bas. Enfin, dans tous les cas, je la porte bien cette veste non?"
Avani me regardait en coin, l'air de dire "ouais, je sais...des fois il est lourd."
Le gars qui tenait le stand auquel nous avons commandé s’appelait Marcus. C'était un grand gaillard tellement gonflé que les coutures de son polo tendaient à se craquer. Les touches de rose de son uniforme augmentaient le contraste entre sa carrure et son métier. Dans tous les cas, il était vachement gentil et pas mal marrant. Et...je crois qu'il n'a pas laissé Avani indifférente.
"Hé, Ava. T'as l'air bien songeuse. Tu penses à quoi? Son burrito? Tu crois qu'il est végétarien aussi?"
"Pfff, t'es c*nne."
Non loin de là se tenait un stand de produits locaux. J'ignorais que San Myshuno possédait sa propre torréfaction de café: MyCoffee. J'appelais Avani pour lui montrer mais elle semblait bien trop occupée à discuter avec Marcus.
"Hé, Ava! Regarde. T'as déjà goûté? Tu sais ce que ça vaut? J'ai pas de cafetière, tu pourras me prêter la tienne? Ou plutôt, tu peux me dire où je peux acheter une cafetière, ici?"
"Youhou?"
La vendeuse m'offrit un sourire mi-amusé et mi-compatissant.
"Je crois que votre amie est à des années lumières de vos histoires de café!"
"Vous avez raison...je peux déjà goûter? Si ça me plait, j'irai acheter une cafetière."
"C'est un poil qui, le mardi, était bien. Et le mercredi, bah, il était pu' bien!"
"Ah, punaise, t'es c*n!" fit Ava en riant néanmoins. En quoi sa blague était plus drôle que mon jeu de mot de tout à l'heure?!
"On l'a perdue pour la soirée, là" fit Jérôme en me rejoignant. Même s'il était sympa, j'étais pas aussi à l'aise avec lui qu'avec Avani. Il acheta un paquet de café et nous commanda aussi deux petites pâtisseries pour aller avec notre dégustation.
Nous allâmes nous asseoir à proximité du stand de Marcus et j'en profitais pour glisser des œillades à Avani, priant pour qu'elle interprète correctement les SOS que je mimais avec mes paupières. Jérôme, comme je m'y attendais, commença une nouvelle histoire à propos d'un truc incroyablement banal qu'il lui était arrivé.
Mes tentatives restèrent vaines. Peut-être avais-je l'air un peu trop joyeuse pour qu'elle prenne au sérieux mes appels au secours? Dans tous les cas, oui, j'étais heureuse. Je passais une super soirée dehors, en compagnie de deux personnes fraîchement rencontrées et que j'arrivais déjà à mépriser sans complexe.
Avani rayonnait. Je ne savais pas quel genre de lien elle entretenait avec les hommes en général mais elle me donnait l'impression d'une fille plutôt timide, sans être coincée. Du genre de celles qui ont besoin d'un peu de temps avant de se lâcher et d'oser être elles-mêmes. C'était bien ça, Ava était un diesel.
"Salut toi, t'es nouvelle par ici?" m'alpagua un triste individu, venu s'asseoir en face de moi sans même me demander si ça me dérangeait.
"Je crois qu'il est temps de rentrer" pensais-je à haute voix. Je remerciais très sincèrement Jérôme pour sa compagnie et allait saluer Ava, prenant au passage son numéro de téléphone. Elle me le dicta très fort et je suis aujourd'hui certaine que c'était pour que Marcus l'entende et, s'il le pouvait, l'enregistre mentalement. Et aujourd'hui, je sais aussi que Marcus c'était beaucoup de biscottos et pas beaucoup de cervelle.
Je regagnais mes pénates, fraîche comme un guindon. Enfin, ça c'était juste l'extérieur, parce qu'en-dedans...c'était un vide quasi-absolu. J'étais sur OFF et mes pas me portaient machinalement jusqu'à ma chambre. Ma chambre où je découvris...
...une horreur sans nom.