Zazie Charpentier était une jeune femme indépendante, une sorte d'électron libre qui avait couper les ponts avec sa famille alors qu'elle venait tout juste d'avoir 18 ans. Ses parents n'avaient jamais rien compris à leur fille, ils étaient toujours en décalage. Le père aurait voulu qu'elle soit une avocate de renom. La mère l'avait poussé dans une voie musicale, lui payant cours de piano, solfège, la poussant dans ses retranchements et rêvant de conservatoire et de concertos.
Quand elle avait arrêté ses études de droit en plein milieu de l'année pour se lancer dans la musique, le père avait failli faire une syncope, tandis que la mère, dans son dos, souriait à pleines dents. Mais Madame avait vite déchanter quand Zazie avait continué en annonçant son envie de faire de la musique dans la rue, de partir à l'aventure avec juste sa guitare sur le dos. Zazie n'avait jamais aimé les contraintes, les règles et les diktats de la société bien pensante.
Finis les rêves de jeune pianiste émérite ; envolés les songes de virtuose du barreau. Le clash avait été immédiat et insurmontable. Zazie était partie en claquant la porte, blessée par les mots durs de son père rigide et les pleurs de crocodile de sa mère espérant réussir par procuration.
Elle était partie avec sa guitare, un sac à dos et un petit héritage d'une vieille tante compréhensive (la seule qui avait compris l'envie d'aventure de la jeune fille) disparue l'année précédente.
Et voilà notre jeune musicienne, la tête pleine de rêves, emménageant dans un petit bungalow, coloré, excentrique, à son image décalée.
Petite visite guidée... très courte... :
L'installation fut rapide : vivre dans un bungalow a l'avantage de restreindre le nombre de meubles. Et les voisins, curieux patentés ne tardèrent pas à venir souhaiter la bienvenue à Zazie. La jeune femme constata que la moyenne d'âge du quartier était assez élevée et le style un peu trop guindé à son goût. Hormis un certain Joaquim Lechien, un jeune bien dans ses baskets à la mode, un peu déjanté sur les bords qui lui fit une forte impression. un futur ami peut-être, ou plus, qui savait ? Ce qu'il fallait savoir sur Zazie, c'était qu'elle n'avait jamais vécu seule de sa vie et que cette nouvelle liberté était parfois pesante dans le sens où elle rimait avec solitude. Les premiers jours avaient été consacrés à l'aménagement de son petit coin et à s'entraîner à la guitare pour bientôt donner le meilleur de son art dans les rues.
Alors rencontrer un jeune, visiblement sensible à la musique et au look typé, la remplissait de joie.
Être partie de la maison familiale signifiait aussi qu'elle devait assumer les tâches adultes toute seule. Et ce n'était pas une mince affaire. Issue d'une famille privilégiée, elle avait l'habitude de se faire servir. C'était Rosanna, l'employée de maison, qui faisait les repas, et jamais Zazie n'avait touché à une casserole avant de claquer la porte. On peut imaginer aisément les difficultés que la jeune femme rencontrait quotidiennement : faire une omelette relevait du challenge et elle avait très peur de déclencher un incendie.
Mais elle prenait petit à petit ses marques, vivotant sur ses quelques économies (elle n'avait pas de gros besoins, la musique lui suffisant pour être heureuse) et prenant son temps pour se lancer sur le chemin adulte.
Elle rencontrait du monde, des personnes intéressantes, comme le jeune Maximilien aux manières policées et aux goûts éclectiques, s'efforçait d'élargir son cercle de connaissance, parlant de son art et de ses envies, de ses rêves. Pour ce faire, elle devait aller jusqu'à la grande ville, San Myshuno étant le terrain idéal pour faire ses armes musicales.
Elle s'installait en pleine rue, dans le quartier des Arts, et passait des heures à gratter sa guitare pour gagner quelques misérables simflouzes. Mais sa détermination était sans faille, son optimisme à toute épreuve. Elle avait beau gagner des clopinettes de cette façon, ces clopinettes enflaient de jour en jour. Ne dit-on pas que les petits ruisseaux font les grandes rivières ?
Le reste du temps, elle entretenait son corps, consciente qu'une bonne condition physique était essentielle pour son projet de vie : devenir richissime grâce à la musique, mais sans passer par les voies conventionnelles. L'endurance lui serait d'une grande utilité. Alors, à l'aube, elle partait faire son jogging, savourant les doux paysages de Windenburg.
Il fallait faire avec les autres pseudos artistes qui prenaient parfois sa place favorite. Les accents country lui faisaient grincer les dents et elle avait souvent envie d'arracher les cheveux des lolitas sans talent et des vieux beaux très beaufs.
Zazie avait eu un coup de cœur pour Maximilien, ce garçon énigmatique qui s'habillait comme un dandy et parlait de rock avec enthousiasme. Elle aimait séduire et Max semblait sensible à sa joie de vivre. Une petite amourette naissait rapidement entre ces deux-là, contre toute attente. Jamais elle ne se serait vu avec ce genre de garçon, propre sur lui, carrément BCBG, mais il la faisait rire, et sa timidité la faisait craquer.
Et puis elle voulait en savoir plus sur lui, il l'intriguait.
Mais elle rencontra Don et ce fut un véritable coup de foudre. Il était conforme à tous ces désirs : entreprenant, beau gosse, un brin ténébreux, cool et bien dans ses baskets. Parfait pour elle, en somme ! Elle entreprit une grande croisade de séduction, rêvant déjà de mariage. Zazie était en réalité une grande romantique qui avait besoin de sécurité sentimentale, d'un petit cocon d'amour rien qu'à elle. Et Don semblait correspondre à l'image qu'elle se faisait du mâle protecteur.