Pas de sousis Isis, prends ton temps.
Lady, j'imagine que oui, c'est pas forcément évident de suivre ! Certains des personnages présentés sont plutôt secondaires en plus. Enfin j'espère que ça ne découragera personne, ça m’intéresse d'avoir votre avis sur la lecture et le style, même si vous n'êtes pas expert dans le domaine. Content que ça soit fluide pour toi ;D
Du coup, vu qu'il est en fin de page précédente, je me permet de reposter le texte.
Je vois que le petit Balthazar a un certain succès ! Et yep Sucrée, il est un peu moins déprimé que dans sa version Sims 3, disons que les années ont passée, et avec une nouvelle copine aussi impul… pleine de de vie que Nadine, il a bien fallu se reprendre en main !
Isis, je vais baisser leur télé, tu n'as absolument pas tort, je ne sais pas ce qu'elle fait placée aussi haut !
Sur ce, puisque ça a l'air de vous intéresser, voilà le petit écrit dont je vous parlais ! J'espère que vous en apprécierez la lecture.
. Tout comme ces textes, il s'agit pour moi d'un exercice d'écriture, une occasion de mettre en scène des personnages et de les faire interagir (et dans le cas présent, j'avais surtout envie de me concentrer sur quelques dialogues). Disons que c'est juste très librement inspiré de mon projet d'écriture, les situations présentées ont peu de chance d'avoir lieu, le portrait que je fais de certains personnages est volontairement forcé ou imprécis, et j'évite tout point de l'intrigue !
Je vous conseille la lecture des deux autres textes, afin de mieux situer les personnages.
A ce point du récit, on a déjà introduit les personnages de Sian'ja et de son frère Liadon (surnommé le Paon), enfants du Seigneur Oban des Terres de Vhul, territoires montagneux mais possédant de nombreuses richesses. Ils sont arrivés il y a peu à Thovan, cité majestueuse au cœur du désert du même nom, qui a été conquise il y a vingt ans déjà, par l'Empereur Hannon (originaire de Vhul, et ami d'Oban dans sa jeunesse). Sian doit y épouser Theobaal, fils de l'Empereur et de Dame Laodice, fille ainé du Roi Augame, de la lignée des Rois Bâtisseurs, qui dirigeait précédemment la cité. Liadon, lui, est promis à Milarianne, princesse en exil du royaume de Trêve, un territoire vaste et fertile au nord du désert (qui lui-même a changé de dirigeant il y a huit ans, suite à une histoire de trahison).
Le plan d'Hannon reste très clair aux yeux de Sian et Liad : par ces mariages, il unit leurs familles et peut ainsi partir à la conquête de Trêve. Comptant sur la légitimité de Milarianne, et l'amour que le peuple éprouvait pour sa famille, ainsi que sur les armées d'Oban, il espère étendre son Empire.
J'espère en tout cas avoir expliqué l’essentiel (pour ce qu'il y a à savoir pour comprendre), et que vous prendrez plaisir à lire ce texte !
Spoiler :
Chancelante, Marianne serre mon bras plus fort pour ne pas perdre l'équilibre. Mais je le remarque à peine. Ce n'est pourtant pas la première fois que je mets les pieds dans le Salon Nocturne, lieu de rendez-vous incontournable de la noblesse Thovarianne, mais difficile de ne pas s'émerveiller devant un tel spectacle. Au-dessus de ma tête, j’observe le ciel constellé d'étoiles, au travers d'un verre si pur qu'il n'est visible que lorsqu'il se met à pleuvoir. Cette incroyable verrière est soutenue par des demi-arches d'acier ouvragées, régulièrement espacées tout le long de cette galerie démesurée. Si le savoir des Rois Bâtisseurs est grand, il n'est pourtant pas à l'origine de ce lieu, qui doit bien dater des Temps Anciens.
Toutes les classes sociales se mêlent, dans de multiples salons, aménagés à bonne distance les uns des autres, afin de pouvoir négocier et commercer hors de portée d'oreilles indiscrètes. Car c'est bien là la principale activité des occupants de la galerie. A Thovan, on ne pratique pas ces activités avant le crépuscule, à l'abri du regard d'Isvaël, le Dieu Solaire adepte de l'honnêteté en toute circonstance. Cette tradition ancienne, inconnue pourtant de l'actuel culte du Disque, est un héritage d'une lointaine occupation de la cité, comme beaucoup d'autres coutumes. Le fief des pacifiques Rois Bâtisseurs a connu un bon nombre d'occupations au fil des âges, mais grâce à leur ruse, ils ont toujours fini par le reprendre aux mains des envahisseurs. Une vérité qui n'a pas pu échapper à l'Empereur Hannon.
D'un discret mouvement de menton, Milarianne attire mon attention sur un petit groupe de visages connus.
J'ai passé l'après-midi en sa compagnie. Tout deux réunis autour d'un plateau de Kadori, un jeu visiblement très populaire ici, elle avait en vain tenté de m'en apprendre les règles. Sous cet air candide qu'elle affiche aux yeux de la cour de l'Empereur, je lui avais découvert l'esprit vif, parfaitement consciente des réalités de la Cour des Miracles, et de sa propre situation. De notre situation, bientôt.
Si je n'ai fait que tremper les lèvres dans mon verre, ma promise n'en est pas restée là. Je ne peux pourtant pas m’empêcher de me demander si son ivresse est feinte, au moins en partie.
Personne ne nous remarque, visiblement trop absorbés par leur partie de carte. Les mises se mêlent aux registres et cartes navales qui encombrent la table, quelques verres sont posés sur des piles de cahiers à l'équilibre précaire. Première à lever les yeux, ma sœur m'adresse un large sourire. Alors qu'elle doit dominer même la plupart des hommes de l'assistance, elle occupe un si petit espace sur sa banquette, comme repliée sur elle-même. Elle n'a pas mon aisance en société et je la sens rassurée d'apercevoir une figure amicale.
La place à côté d'elle est vide. Plongé dans l'observation des vagues en contrebas, le Prince Theobaal semble avoir déserté la partie, laissant son jeu entre les mains de Sian. Le jeune Malrem Longepier, l'héritier des grandes îles de Vandicas, semble essayer de capter son attention, exposant d'une voix peu assurée des arguments en faveur d'un quelconque accord commercial. C'est sans aucun doute la raison de sa présence ici, ainsi que celle du Prince.
Le reste de la compagnie se compose de Vanithia, la femme de Malrem, étonnement assise sur les genoux d'Evric Vanancel, fils d'un noble d'une maison mineure, actuellement dans un état d'ébriété majeur. J'avais entendu parlé de leur proximité, de leur enfance passée ensemble. Sans m'attendre à ça. Riant aux éclats, une main posée sur le torse largement exposé d'Evric, l'attitude de Vani n'a rien de celle d'une sœur…
Enfin, immobile derrière Sian, se tient le colossal Valdr, notre Gardien à tout deux. Il m'adresse un bref regard, et signe d'un geste de main Vision.
Je ne peux pas m’empêcher de soupirer. Et je sais que mon agacement n'aura pas échappé au gardien. Ces derniers temps, nos exercices avec ce talent se font de plus en plus fréquents, sans grand résultat. Je me sais bien moins doué que Sian, mais Valdr insiste pourtant. Seulement, lorsqu'on utilise la Vision, il est bien plus difficile de se concentrer sur les conversations et j'ai déjà eu trop peu de temps depuis mon arrivée à la cour pour observer les interactions entre les différents membres de la noblesse locale.
Pourtant, je m’exécute.
Sur mes avants bras exposés, je sens la douce chaleur des rayons du soleil. Mon premier réflexe, troublé, est de lever les yeux vers la baie vitrée et le ciel nocturne qui s’étend au-delà. L’expérience de la Vision reste toujours déconcertante pour moi, même après tout ce temps. L'odeur de l'herbe, comme une invitation à m'allonger et profiter de la chaleur de l'après midi. Je devine sans problème que ces sensations me viennent d'Evric et Vani, l'une trop occupée à chuchoter à l’oreille de l'autre pour s'occuper de ceux qui les entourent. Et puis un bourdonnement, lointain, mais qui se fait de nouveau plus proche. Et il s'éloigne de nouveau. Non sans fierté, je comprends qu'il s'agit ici d'agacement de Malrem, bien plus gêné, j'imagine, par leur distraction que par leur proximité, lui qui est visiblement habitué aux troublants écarts de son épouse.
Des pas discrets dans l'herbe haute, le vent puissant qui souffle sur le feuillage d'un arbre… c'est un concert d'impressions qui se poursuit, alors que j'ai de plus en plus de mal à les interpréter.
« On m'avait dis que le Paon était plutôt loquace et pourtant, il n'a pas encore pipé mot. Un verre de vin pourpre de Belvarn pourrait peut-être lui éclaircir le gosier ? »
Je me saisis de la coupe tendue par Evric, visiblement très fier de son intervention et y trempe les lèvres. Appuyée contre mon épaule, Mila semble sur le point de s'assoupir.
« Il aurait été bien impoli d’interrompre votre conversation passionnée avec Dame Longepier. Mais si j'avais un conseil à vous donner Evric, essayez donc de prêter un peu plus d'attention à votre jeu. J'imagine qu'il est agréable d'écouter les douces paroles de la charmante demoiselle assise sur vos genoux, mais ma sœur est visiblement en train de vous plumer. »
Loin de paraître déconcerté par mes propos francs, l'homme rit à gorge déployée, laissant s’échapper quelques gouttes de vin de son gobelet. Une brise glaciale souffle sur ma nuque. Sa compagne a au moins la décence de paraître gênée.
« Vous oubliez, Prince Liad, que vous vous trouvez à Thovan ! Ce qui tutoie l'indécence chez vous est un comportement tout à fait naturel, de par chez nous. Vani est comme une sœur...
- Mais ferme-la, Evric.» Vanithia attrape d'une main agile le verre à demi-incliné de son compagnon, avant de poursuivre. « Le prince est sûrement bien au fait des mœurs locales, inutile de te justifier.
- D'autres visiteurs, moins informés, pourraient pourtant être confus par ton attitude ma Dame, ajoute Malrem, sans lever la tête de ses notes. Ce n'est pourtant pas faute de t'avoir prévenu, mais j'ai depuis longtemps perdu espoir de te voir écouter... ».
Il s’interrompt brusquement, visiblement captivé par le document sur lequel il vient de mettre la main. Triomphant, il se tourne vers la fenêtre.
« Voilà l'accord dont je vous parlait, mon Prince ! Le terme plus juste serait peut-être projet d'accord, mais si vous y jetiez simplement un coup d’œil, vous constaterez que nos deux parties y trouveront leur compte. Ces taxes, que vous allez obtenir pour tout ce qui sera bientôt pêché dans la Baie d'Antane, vont être une véritable aubaine pour la couronne ! ».
Son ton enjoué semble forcé. Le silence s'installe. Voyant que son interlocuteur ne réagit pas, l'héritier des Longepier perd un peu de son assurance nouvellement acquise. C'est au moment où il s’apprête à reprendre la parole que le Prince répond enfin :
« Votre père. Il a ce matin même, fait la même proposition à l'Empereur, lors du conseil. Lorsque ce dernier a refusé, vous souvenez-vous des arguments qu'il a avancé ? Vous étiez là. Moi pas.
- C'est à dire… Vous savez, avec toutes les affaires en cours… Enfin, tout ce qui se met en œuvre en ce moment, les conquêtes nordiennes, peut-être que l'Empereur n'a pas considéré…
- Donc, vous espérez qu'une fois vos arguments avancés, je me rangerais à votre avis. Que je pourrais le convaincre. Voir même, mais je doute que vous ne l'ayez vraiment envisagé, que je consente votre proposition, comme ma fonction m'y autorise. »
L'autre lui tend déjà le manuscrit. La lumière des bougies devient plus vive à mes yeux. L'espoir. Il est aveugle, s'il pense le Prince disposé à l'écouter débiter ses arguments subtilement formulés. La relation de l'Empereur avec son fils est peut-être conflictuelle, au mieux, c'est de notoriété publique. Mais il faut ne pas connaître Theobaal, un modèle de droiture, pour envisager de jouer là-dessus.
Se détournant enfin de la baie vitrée, le Prince reprend sa place au côté de Sian, jetant un coup d’œil à ses cartes, sans un regard pour Malrem.
« Si vous me laissiez seulement l'occasion, mon Prince...
- Inutile. Hannon, avant d'être un conquérant victorieux, était un chef de clan marchand. S'il a refusé l'accord formulé par votre père, c'est simplement qu'il ne nous est pas favorable. »
L’envoûtement né de leur marchandage prend soudain fin. Vani se met à glousser d'une des réflexions d'Evric, sans doute une pique destinée à son époux, à présent retranché dans le silence… un très court instant, j'ai pourtant cru le voir sourire. Sans pour autant saisir comment cette conclusion aurait pu le satisfaire. J'espère que j'aurais l'occasion de comprendre les véritables enjeux de ce marchandage, lors d'un/du ? prochain Conseil, peut-être. Il me faudra être attentif.
Sur un signe de Theobaal, ma sœur pose sur la table une Impératrice d’Opale accompagnée de son Valet. Les soupirs des autres joueurs m'apprennent qu'elle est de nouveau sur le point de remporter la partie.
Vanithia a regagné sa place auprès de son époux à l'air absent Son ancien compagnon, après avoir une nouvelle fois vidé sa coupe, se concentre sur son jeu visiblement décidé à ne pas repartir bredouille. C'est alors qu'une odeur sucrée, enivrante, embaume l’atmosphère. Je me tourne vers Milarianne, qui les lèvres entrouvertes, observe un nouvel arrivant. Lansen, le Gardien du Prince Theobaal, marche d'un pas prudent, perché sur ses grandes jambes, les bras chargés de livres de comptes. Le tonnerre gronde. Ma propre jalousie, sans aucun doute.
La partie a repris son cours. Si certains parlent encore affaires, l'ambiance s'est apaisée, et se mêlent à présent à ses échanges, des discussions à propos de la nuit des Renaissantes, qui marque à Thovan les premiers jours du printemps et le déclin de leur dieu nocturne. N'ayant jamais eu la chance de participer à ces célébrations renommées, je partage l'enthousiasme des autres membres de notre petit groupe.
« Nous avons, dans le conseil de mon père, un marchand, dont la femme est originaire de Thovan, raconte Sian, surmontant momentanément sa timidité. Elle est âgée aujourd'hui et quand vient la fin de l'hiver, elle parle avec envie des valses, des mets, des personnes aussi, qui faisaient la magie de ces fêtes, quand elle vivait encore ici.
- Non pas que tout cela manque, bien entendu, au cœur de nos montagnes, je m'empresse d'ajouter. Vous seriez surpris par le raffinement de nos réceptions. Nulle cité ne rivalise avec Utavhe, quand il est question de théâtre et de belles-lettres.
- Je suis sûre que vous dites vrai ! » Le sourire de Vanithia se fait plus enjôleur. « Il suffit de poser les yeux sur vous, mon beau prince, pour constater le bon goût de votre peuple. Vous apprécierez sans conteste la splendeur des Renaissantes !
- À mes yeux, toutes ces célébrations finissent par se ressembler... »
La voix de Milarianne a quelque chose d'éthéré, presque un murmure. Elle qui était nonchalamment allongée sur la banquette à mes côtés, semble à présent aux aguets. Une main délicate encercle fermement mon bras.
« Comme si toutes les occasions étaient bonnes pour s’enivrer, au point d'en perdre la mémoire. Ce n'est pas une mauvaise chose, entendez-moi bien : sans cela, on finirait sûrement par se lasser de croiser sans cesse les mêmes visages, et d'échanger nuit après nuit les mêmes propos vides de sens.
- C'est sans doute du côté de Trêve qu'il faudrait chercher les barbares rustiques et non vers les montagnes ! » L'exaspération de Vani est palpable, même sans faire usage de la Vision. «Vous êtes simplement incapables de contempler l’éclat de Thovan, après avoir vécu comme une aveugle au cœur des forteresses sans grâce que l'on construisait chez vous.
- J'imagine que les ténèbres sont préférables à cet éclat, si éblouissant, que la plupart des nobles présents dans la cité en ont oublié la raison de leur présence ici. Dites-moi, Vani, depuis combien de temps n'avez-vous pas vu vos terres ?
- Je vois où vous voulez en venir… six mois, bientôt » Le ton de Vanithia est à présent moins acide « Mais certaines négociations peuvent prendre du temps, Milarianne, pour que l'accord convienne à chaque partie.
- J'accorde à votre époux et à votre beau-père le bénéfice du doute, leur présence en ces murs n'est peut-être pas vaine. Mais nous savons toutes deux qu'un bon nombre des seigneurs ici présents dans le palais, n'ont jamais mis les pieds dans ces salons. Ils se pavanent et piaillent au cœur de cette cage dorée, fermant les yeux sur ce qui se trouve au-delà. Leur terres, leur peuple.
- Vous dramatisez. La plupart de ces territoires sont assez insignifiants pour survivre sans gouvernant, tant qu'on y respecte la loi de l'Empereur. Pour les autres, un intendant habile peut se charger de diriger. Tenir son seigneur informé, respecter ses consignes, et faire preuve de bon sens, s'il lui faut prendre une décision. Que pouvez-vous donc savoir de toutes ces questions, vous qui n'avez jamais régné sur Trêve ?»
Plutôt que de répondre, Milarianne se saisit simplement de sa coupe et sirote son vin en ignorant sa rivale. Le sourire de cette dernière s'efface. Si elle l'a momentanément oublié, elle n'ignore rien de la traîtrise qui a conduit à la chute de Trêve, celle du propre conseiller d'Yresonne, Reine d’Abondance, et son régent alors qu'elle était en déplacement.
Alors que le silence menace de s'installer de notre côté de la table, le rire d'Evric tonne. Levé d'un bond, manquant de s'étaler sur les tapis, le voilà qui se saisit de la main de Vanithia, trop surprise pour garder l'expression boudeuse qu'elle avait adopté. A présent à genoux, il clame d'une voix forte, à défaut d'être claire :
« Boucles blondes resplendissantes sous le Soleil, dardant tout comme le désir qui m’envahit ! Tes yeux rieurs sont pour mon cœur, bordel» Il s’interrompt momentanément, pris par un haut-le-cœur. « … sont pour mon cœur pareils, à un jour d'été qui jamais fini… qui jamais ne finit.»
Pour conclure sa tirade, il pose un baiser passionné sur la main de celle qu'il considère comme sa sœur. Cette dernière en profite pour se saisir du papier qu'il tient entre ses mains.
« Mais qu'est ce que c'était que ça, Ev' ? Et ce n'est pas ton écriture là-dessus ! On dirait un de ses poèmes brefs, qu'ils s'écrivent de l'autre côté de l'océan.
- Une aphôme, si je ne me trompe pas. » Les joues rougies par l'attention que tout le monde lui porte soudain, ma sœur s'empresse d'ajouter. « Des poèmes romantiques généralement, que s'échangent discrètement les amoureux dans les Cités d'Argent. Les jeunes gens sont là-bas promis très jeunes à leurs futures moitiés, il est plutôt commun que des idylles naissent... et disparaissent dans le secret.
- Celui-ci est plutôt… simpliste, si je puis me permettre. »
M’intéressant moi aussi à cette discipline, j'ai eu l'occasion de constater le talent dont la noblesse de Belvarn ou Athive, peut faire preuve, quand il s'agit de faire briller leur maîtrise des mots. Observant l'écriture précise de l'apprenti poète sur le morceau de papier, je n'entends pas la question de Vanithia. Evric lui désigne le Prince d'un signe de tête.
« Il était dans les notes à Theobaal. Elle m'emmerdait sacrément vot' prise de bec, mesdames, alors j'ai cherché de quoi me distraire en attendant que ça vous passe. Et j'ai vu ça dépasser.
- C'est en effet mon œuvre. »
La voix du Prince est toujours aussi déconcertante, dénuée de toute intonation. Alors que je concentre ma Vision sur lui, les musiques et la conversation m’apparaissent comme assourdies, ma vue aussi se trouble sous un voile d'obscurité, que la lumière des grands braseros ne parvient pas à percer. Sans même s'indigner de ma critique, il ajoute, le regard posé sur son Gardien rougissant :
« Mais je suis un piètre poète, je n'en doute pas. C'est pour Lansen, que j'avais mis ces mots sur papier.
- Et il comptait la dire à qui cette aphône, Lans' ? s’exclame Evric, hilare. C'est pas de la grande écriture, même moi je peux le voir… mais je me demande quelle fille serait prête à se le figurer poète !
- Peut-être est-elle destinée à cette grande blonde, vers laquelle il s'est précipité hier, dans cette maison de plaisir ? » Sous le regard intrigué de ma sœur, j'ajoute rapidement : « Ne te fais pas d'idée, j'y suis allé simplement par curiosité, les courtisanes thovariannes n'ont, parait-il, pas leurs pareilles sur le continent. Si je n'ai pas gardé les yeux baissés, mes mains sont restées dans mes poches et mon manteau sur mes épaules, je suis bientôt un homme marié !
- Y a pas meilleure raison de s’offrir une nuit de débauche, le Paon. T'imagines même pas ce que tu loupes ! » Evric assume décidément bien ses infidélités. « Alors Lans', c'est bien à cette putain efflanquée que tu vas réciter ta poésie, pendant que tu la baiseras ?
- Saloperie d'ivrogne, répond enfin l’intéressé, après un long silence.
- J'suis ivre, mais c'est pas moi qui m'imagine pouvoir séduire une pute par des mots et non par d'l'or ! Mais avec ta sale trogne, c'est p't'’être tout ce que tu peux espérer.
- Je comprends pourquoi ta femme refuse de t'accompagner à la cour. Sur le terrain d’entraînement, les gens de ta propre garde racontent qu'elle exulte, dès qu'elle te voit partir, soulagée de ne plus avoir à supporter ses deux minutes de calvaire journalières, quand tu la rejoins ivre, au pieu. »
A mon grand étonnement, c'est le gloussement de Vani qui interrompt Evric dans son élan. Si elle n'est pas la seule amusée par l’échange, c'est à elle qu'il jette un regard noir, qui font redoubler ses rires. Le voyant vexé, sa presque-sœur retourne s’asseoir sur ses genoux. Dans l'espoir de lui arracher un sourire, elle lui taquine les côtés du bout des doigts.
Il va me falloir encore du temps, beaucoup de temps, pour apprendre à connaître toute cette galerie de personnages qui compose la cour de Thovan !
La suite de la soirée se passe sans nouvelle altercation. Chacun parvient à se concentrer plus ou moins sur le jeu, les mises passent de main en main. Le Prince et Malrem finissent par trouver quelques terrains d'entente. Voyant ma compagne assoupie, je prend congé et décide de la ramener à ses appartements.
La démarche peu assurée, nous marchons dans les corridors silencieux du palais, sans croiser personne. Les lieux sont méconnaissables sans la foule qui s'y promène le jour. Ces murs ont des siècles, voir des millénaires. J'essaye, sans succès, de m'imaginer la vie de ceux qui habitaient ici à ces époques lointaines, alors que débutait le règne des Bâtisseurs. Mais je doute qu'une femme aussi extraordinaire que ma compagne, au charme si saisissant, ai jamais foulé ces dalles.
Alors que mes pensées vagabondent, nous arrivons à destination. Sur le seuil, enhardi par mon ivresse sûrement, je fais mine de la suivre, mais déjà, une main se pose sur ma poitrine.
« Non.. » Devant mon incrédulité, elle ajoute. « Jenta est à l'intérieur. La pauvre petite, elle s'est mise à faire des cauchemars il y a quelques jours, alors j'ai accepté qu'elle dorme avec moi. Je n'ai pas le cœur à la réveiller.»
Elle pose sur ma joue un baiser prude et me laisse planté là. Au travers des brumes de l’alcool, je remarque qu'elle se déplace de nouveau avec sa grâce habituelle. Alors qu'elle s’apprête à refermer la porte, j'essaye en vain de faire appel à la Vision, et suis submergé par ses sentiments contraires. Une douce chaleur au creux du ventre, apparue quand elle a évoqué sa sœur. Une averse à la périphérie de mon champ de vision. Les dernières notes d'une complainte sur un instrument à corde, à la sonorité singulière.
« Passe une bonne nuit Liadon. Demain sera peut-être propice à de nouveaux moments plaisants. »
La porte claque, alors que je n'ai pas prononcé un mot.